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C’est un phénomène que l’on a vu se développer au cours des années 1990-2000 : on est passé d’un monde du travail relativement ‘cool’, avec ses certitudes, à une ambiance sauvage et cette notion de compétition, l’obligation de faire toujours plus de bénéfices.
Dr Hautefeuille, auteur de Drogues à la carte.
Les conditions de travail joueraient donc sur la prise de drogue et la santé en général des travailleurs ?
Eh bien oui.
Selon une étude du cabinet GAE Conseil, en 2019, 44 % des salariés français estiment « fréquentes » les pratiques addictives dans leur milieu professionnel.
Mais depuis quand les addictions frappent les travailleurs, pourquoi nous en sommes arrivés là, quelles sont les causes et les conséquences, qui peut agir ? Nous allons essayer de répondre à ces questions.
Qui sont les « dopés du quotidien » ?
La présence de l’alcool dans certains secteurs professionnels est connue de tous.
On sait que 7,7 % de population consomme quotidiennement de l’alcool selon le Baromètre santé 2010 de l’INPES1.
Outre l’alcool, c’est la consommation de cocaïne sur le lieu de travail qui semble augmenter : son usage parmi les actifs est ainsi progressivement passé de 0,3 % en 2000 à 0,9 % en 2010, et son expérimentation de 2,0 % à 4,3 %. Ce sont les milieux de la restauration, de l’information/communication, et des arts et spectacles qui sont particulièrement consommateurs de ce type de drogues.
Plus récemment, le Baromètre santé de 2014 a montré que les 18-34 ans, eux, sont davantage concernés par la consommation de cannabis que la plupart des travailleurs1 ; et depuis 2017, nous savons que 14,3% des apprentis âgés de 17 ans, en font l’usage régulier.
(on attend les chiffres pour 2020 et 2021…)
Ici, le but n’est pas de culpabiliser les personnes, au contraire !
L’idée est l’alerter les employeurs sur les conditions de travail. Car oui, le travail peut avoir une influence sur la consommation de drogue et, elle-même, impacte le travail. Un cercle vicieux, tabou et dangereux.
Je n’ai pas vu une augmentation de la consommation de drogue, en revanche, c’est la façon de consommer qui est différente : les gens se droguent pour venir travailler.
Fabienne Alcaix, médecin du travail
Les employeurs, quel rôle à jouer ?
Plus du tiers des fumeurs réguliers, 9,3 % des consommateurs d’alcool et 13,0 % des consommateurs de cannabis déclarent avoir augmenté leurs consommations à cause de problèmes liés à leur travail ou à leur situation professionnelle au cours des douze derniers mois1.
On ne peut pas dire que les employeurs ne sont pas informés de l’ampleur du problème.
En effet, 91 % des dirigeants, encadrants et personnels RH et 95 % des représentants du personnel/syndicats déclarent que les salariés de leurs structures consomment au moins un produit psychoactif 3.
Ils sont donc informés du problème mais ont-ils conscience d’en être la cause ? Que font-ils pour le bien-être des collaborateurs ? Si les addictions sont parfois considérées comme des « béquilles » pour survivre, la consommation de drogue peut réellement causer des problèmes sur le travail des autres.
Un exemple de comment aborder le sujet du cannabis avec les apprentis :
Apprentis et cannabis: Comment réagir ?
Et comment endiguer le problème si même le dirigeant est, lui-même, drogué régulièrement ?
Le tabou à ce sujet ne fait qu’augmenter les conséquences de ce fléau.
Exemple : Un patron, sous emprise de stupéfiant rentre dans un bureau, super puissant, vantard, clacheur et hyperactif, il adopte un comportement inapproprié et insensé, il pose des questions sur la vie sexuelle de ses employées, il met la pression à ses collaborateurs comme si sa vie en dépendait, comment réagir si on n’est pas informé qu’il est sous l’emprise de la drogue ?
Et si les politiques pouvaient faire quelque chose ?
Les employeurs sont informés mais n’agissent pas. Le serpent se mord la queue. Alors comment faire de la prévention dans ces cas-là ? Et si le problème était politique ?
Nous savons que le rythme de travail soutenu (plus de 40h par semaine) a une influence sur les addictions, mais pas seulement. Les heures supplémentaires peuvent être à l’origine de troubles psychiques, d’anomalies lors de la grossesse ou d’altérations de l’état général (comme l’asthénie). C’est pour cela que certains professionnels s’attachent à « démontrer que la limitation du temps de travail était fondée« , comme dans cet article, paru au mois de mars 2020 4.



Pourtant, même si les autorités publiques savent que les travailleurs encourent de graves dangers en faisant des journées à rallonge, et malgré le fait que nos ainés se sont battus pour obtenir plus de temps de loisirs (cf. 8h de travail) ; le gouvernement français, toujours en mars 2020, a autorisé de porter la durée du travail à 60 heures par semaine (soit 12h par jour) pour certains secteurs5. Cette augmentation du temps de travail est valable jusqu’au 30 juin 2021…
On peut se demander quelles seront les conséquences de telles décisions sur la prise de stupéfiants et sur le bien-être plus généralement.
Voici un témoignage qui illustre cette situation :
« Je connais des collègues qui consomment de la cocaïne pour tenir le rythme »
Au début, en sortant de mes études, je pensais normal aussi de donner tout ce que j’ai pour « mériter » ma place.
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Sources :
2 Enquête ESCAPAD 2017 (France métropolitaine), OFDT
3 Une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
5 Durée du travail d’un salarié à temps plein | service-public.fr (service-public.fr)
Lignes téléphoniques | Mildeca (drogues.gouv.fr)
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