L’importance du diagnostic dans le burn-out et la fatigue chronique
4–6 minutes

Eté 2020, me voilà découvrant que les médecins sont passés à côté. À côté de quoi ? À côté du diagnostic. Comment est-ce possible que je retrouve un article scientifique décrivant exactement cette maladie et qu’aucun médecin, professeur, chef de service n’ait réussi à mettre les mots dessus ?

En 1991, on parlait déjà de burn-out.

On appelait ça « le syndrome des yuppies » pas besoin d’être médecin pour s’apercevoir que j’avais le profil « parfait », que j’étais une patiente « typique » : une femme, ayant fait des études supérieurs, exerçant une profession exigeante de façon investie et ayant une vie (en dehors du travail) plutôt riche.

Bien sûr, aujourd’hui, le brûlé du boulot, c’est davantage Monsieur et Madame tout le monde mais à l’époque aussi ! D’ailleurs, on dénonçait même « une démocratisation du trouble au fil des ans » dans les années 1990.

Et finalement, 30 ans après, on mélange toujours l’épuisement professionnel (burn-out), syndrome de fatigue chronique (asthénie) et c’est compréhensible puisque les symptômes se ressemblent : fatigue physique et mentale, troubles de l’humeur, de la mémoire et de la concentration et multiples affectations sur le corps humain (syndromes grippaux et autres signes « psychosomatiques »).

Alors pourquoi personne n’a posé les mots ?

Endosser un diagnostic de burn out ou de syndrome de fatigue chronique permet ainsi d’éviter la psychologisation de la fatigue et l’accusation implicite de maladie imaginaire qui y reste communément attachée.

Pascal Cathébras

Burn-out (BO) ou syndrome de fatigue chronique (SFC)

La différence entre burn-out et syndrome de fatigue chronique est facilement repérable. En effet, le burn-out est davantage attaché au milieu du travail alors que le SFC est plutôt « médical », presque visible, moins psychologique. Mais, à mon sens, cette dichotomie ne fait qu’effacer le problème, elle rend le diagnostic inexistant comme dans mon cas et celui de nombreuses personnes.

La négation ne permet :

  • ni une prise en charge (seulement 1 051 maladies professionnelles relevant de troubles psychosociaux ont donné lieu à une prise en charge en 2019)
  • ni d’agir pour changer les choses.

Comme évoqué dans l’article « Le burn-out, un cadeau de la vie ?« , la banalisation empêche le progrès sans parler du fait que chacun s’enferme et se culpabilise dans l’individualisation de son mal-être.

Nommer une maladie, c’est d’abord attester de sa « réalité ». Si mon malaise a un nom, c’est que d’autres l’ont déjà éprouvé, c’est donc qu’il est « réel ».

Emson, 1988

Qu’en disent les médecins aujourd’hui ?

Et puis finalement, est-ce raisonnable de laisser la responsabilité aux médecins de valider (ou non) notre mal-être ? Je ne sais pas.

Ce que je sais, c’est que les médecins n’attestent pas (ou que rarement) par écrit, qu’une personne est épuisée professionnellement. Pourquoi ?

Et bien parce que, jusqu’à présent, les employeurs portaient plainte contre les médecins qui oseraient accuser les conditions de travail dans leurs organisations. En effet, le nombre de plaintes d’employeurs contre des médecins est d’environ 400 par an dont la moitié concerne des médecins du travail (https://blogs.mediapart.fr/dominique-huez/blog/021017/400-medecins-poursuivis-annellement-par-des-employeurs-devant-lordre-des-medecins). De quoi en dissuader plus d’un…

Pour autant, il semble que les mentalités évoluent et pour preuve, dans un arrêt du 28 mai dernier, le Conseil d’Etat (au sujet d’un contentieux entre une salariée et son employeur), la plus haute juridiction administrative du pays a estimé que le médecin traitant ne délivre pas un « certificat de complaisance » lorsqu’il prescrit un arrêt de travail pour épuisement professionnel « sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié, émanant notamment du médecin du travail ».

Finalement, pourquoi poser un diagnostic ?

A propos du burn out, Corin et Bibeau (1985) ont considéré le diagnostic comme un «processus d’attribution » à plusieurs effets :

  1. construire une rationalité à l’intérieur d’une apparente dispersion ;
  2. reporter un problème surtout subjectif dans un espace (le milieu de travail) qui rend possible la mobilisation sociale (intervention syndicale par exemple) ;
  3. mettre à la disposition du «malade » un « mot-clé » lui permettant de traduire ce qu’il ressent en termes socialement acceptables.

Les bénéfices d’un diagnostic

  • Accès aux soins et traitements adaptés: Un diagnostic permet d’identifier plus précisément les besoins d’un individu et de lui proposer des traitements spécifiques et efficaces.
  • Soulagement et compréhension: Le fait de recevoir un diagnostic peut apporter un sentiment de soulagement et de compréhension pour la personne concernée, en lui permettant de donner un nom à ce qu’elle vit.
  • Amélioration de la communication avec les professionnels de santé: Un diagnostic facilite la communication entre le patient et les professionnels de santé, permettant une meilleure coordination des soins.
  • Accès à des ressources et à un soutien social: Un diagnostic peut ouvrir des portes à des ressources spécifiques, comme des groupes de soutien ou des associations, offrant ainsi un réseau de soutien précieux.
  • Reconnaissance légale: Dans certains cas, un diagnostic peut être nécessaire pour obtenir des droits ou des prestations sociales spécifiques.

Les inconvénients d’un diagnostic

  • Stigmatisation: Les diagnostics psychiatriques peuvent être associés à une stigmatisation sociale, entraînant une discrimination et une exclusion.
  • Effet de labellisation: Le fait de recevoir un diagnostic peut conduire à une auto-fulfillment, la personne se conformant à l’image qu’elle a d’elle-même en fonction du diagnostic.
  • Limites du modèle médical: Le modèle médical, sur lequel se basent les diagnostics, peut ne pas être adapté à toutes les formes de souffrance humaine.
  • Évolution des symptômes: Les symptômes et les besoins d’une personne peuvent évoluer au cours du temps, rendant le diagnostic initial moins pertinent.
  • Influence sur l’identité: Un diagnostic peut influencer l’identité d’une personne, en la réduisant à sa maladie.

« Mal nommer les choses c’est ajouter à la misère du monde » – A. Camus


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Moi, c’est Lucie.

Experte RH et formatrice, j’accompagne entreprises et particuliers vers un équilibre durable entre performance et bien-être. Ayant vécu un burn-out, j’en ai fait une force pour aider chacun à prévenir l’épuisement et retrouver un rapport sain au travail.

Sur TravailEcoute, je partage mes découvertes et je donne les clés pour reprendre confiance, préserver l’énergie et cultiver un environnement de travail positif et motivant à travers des consultations individuelles et des formations collectives.

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